Autour du PSG
La décision de l’UEFA pour le PSG « c’est la mort du fair-play financier », selon Granturco
Thierry Granturco, ancien joueur de l’Olympique Lyonnais, avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles depuis plus de 25 ans, a répondu à des questions du Parisien. Spécialiste du droit du sport, il intervient comme Expert auprès de la Commission Européenne et de l’ONU, notamment pour les questions relatives à la liberté de circulation des joueurs, la réglementation des transferts, les droits de retransmission, et l’ensemble des accords qui y sont associés. Ce jeudi, analyse dans le quotidien francilien la décision de l’UEFA de ne pas sanctionner le Paris Saint-Germain dans le cadre du Fair-Play Financier.
« Cette décision nous éclaire surtout sur la question de la valorisation d’un contrat de sponsoring. C’est un véritable casse-tête. Quand vous sponsorisez un club, vous avez un certain nombre d’éléments chiffrables comme le nombre de maillots vendus. Si vous êtes Nike, c’est plutôt clair. Mais chiffrer une influence, c’est quasi impossible.
‘on vient d’acter le fait qu’un club puisse être adossé à un Etat’
Or, aujourd’hui, avec cette décision, l’UEFA vient d’accepter une valorisation forte – même si elle a été revue à la baisse et on saura bientôt de combien — de ce que peut être un contrat de sponsoring d’une entité étatique ou quasi étatique (NDLR : avec des marques qatariennes). Grosso modo, on vient d’acter le fait qu’un club puisse être adossé à un Etat et que cet Etat puisse générer des contrats de sponsoring directement ou indirectement. »
Maître Granturco explique qu’à travers le PSG, l’UEFA vient d’entériner le fait qu’un Etat ou des organisations proches d’un Etat pouvait de façon libre sponsoriser un club de foot à la hauteur qu’il souhaite, même si l’UEFA tente de minimiser cet impact financier. Il explique ensuite ce qui mène à cette situation, dans laquelle le PSG respecte les règles.
« Car il n’y a rien dans le droit qui l’empêche. Ce ne serait pas le cas si l’État en question était un État européen. Ce serait alors considéré comme une aide d’État. Mais là, il ne s’agit pas de nations européennes. On ne peut pas utiliser la réglementation européenne pour empêcher un état non européen d’intervenir directement ou indirectement au capital d’une société commerciale. Ils sont passés à travers les mailles du filet de cette façon.
‘la mort du fair-play financier dans sa forme initiale’
C’est ça. Il s’agit d’un respect de la norme juridique. J’ai toujours dit d’ailleurs, dès cet été, que je me faisais peu de soucis pour le PSG. En étudiant les spécificités du fair-play financier, on se rend en compte en effet qu’il y a énormément de marge de manœuvre. L’UEFA vous laisse différentes possibilités. Lorsque le PSG a engagé ces 400 millions d’euros, on voyait bien d’ailleurs dans les termes utilisés, qu’ils étaient dans l’ingénierie financière, qu’ils pouvaient justifier et couvrir l’engagement de telles sommes.
L’inquiétude est surtout venue de la pression politique qui est intervenue après. Vu de Paris, on avait de grandes craintes sur l’influence que pouvaient avoir les clubs notamment espagnols et allemands. On ne se rend pas compte que finalement, l’UEFA n’a pas cédé à la pression politique. Mais cette décision signifie aussi la mort du fair-play financier dans sa forme initiale. »
Le président parisien Nasser Al-Khelaïfi, dès l’automne dernier, avait invité tout le monde à « restertranquille) et que le club était dans son « bon droit », puisque que la direction du PSG avait agi en toute légalité. La crainte du club était surtout due au fait que le mécontentement des grands clubs européens et de certains politiques puissent « influencer » les décision des instances européennes. L’UEFA, par son jugement, vient de balayer d’un revers de main toutes les craintes du PSG face à la pression (président de la Liga Javier Tebas et aux clubs comme le Barça ou le Bayern Munich). L’instance européenne n’agit pas pour faire plaisir à certains grands et veille surtout au respect des règles.
« C’était inédit et cela vient d’être validé. »
Maître Granturco développe ensuite l’idée d’un Fair-Play Financier qui s’éloigne de l’un de ses buts initiaux.
« Quand il a été adopté, il avait deux objectifs initiaux. Le premier, c’était d’éviter le surendettement des clubs. À ce titre, cela a fonctionné puisque vous ne pouvez pas dépenser plus que ce que vous gagnez. En revanche, le deuxième objectif était d’éviter l’inflation des transferts et des salaires. Avec ces 400 millions d’euros engagés sur un seul mercato, le PSG a fait exploser l’inflation cet été. C’était inédit et cela vient d’être validé.
Le fair-play financier est écrit dans des termes beaucoup trop généraux pour ne pas permettre aux clubs qui ont la capacité de faire de l’ingénierie financière comme le PSG de s’en arranger. Je ne suis pas là pour dire si c’est bien ou mal. C’est un simple constat. »
Même si le FPF a plutôt bien fonctionné concernant l’endettement des clubs, « l’encadrement » de l’inflation du prix des transferts, est en effet plus limite. En dehors des cas Neymar et Mbappé, on a vu plusieurs transferts qui tournent autour des 100 millions d’euros. Ce qui était impensable à une époque. On peut penser au Barça qui a recruté Ousmane Dembélé et Philippe Coutinho , chacun pour bien plus de cette barre symbolique (145 et 160 millions d’euros). Ce n’est pas pour rien que l’UEFA a changé le règlement pour la suite. Il y a notamment la volonté de stopper cette montée des dépenses, que l’on pense que les nouvelles mesures seront efficaces ou non.