Autour du PSG
Interview Luis Fernandez – Sa vie de joueur du PSG « je n’ai jamais trahi le club. »
Luis Fernandez, ancien joueur (1978/1986), entraîneur (de 1994 à 1996 et de 2000 à 2003) et directeur du centre de formation (2017-2018) du Paris Saint-Germain aujourd’hui consultant sur beIN SPORTS, nous a accordé une interview. Un entretien de presque 1 heure que nous allons publier en 3 parties compte tenu de sa longueur. Il y a cette 1ere partie, avec son passage en tant que joueur à Paris, puis une seconde partie avec la vie d’entraîneur à Paris et enfin son avis sur le PSG actuel.
La vidéo de l’interview avec Fernandez(avec la partie 1 et 2 à l’écrit)
Fernadez « quand je les regardais je me disais « Luis, tu ne vas pas y arriver. »
Comment s’était passée votre arrivée au PSG ?
J’arrivais de Lyon, du quart des Minguettes. J’ai eu auparavant l’occasion de faire des essais dans 2-3 clubs. J’avais un personnage du côté de club, Monsieur Bersoul, qui insistait. Je travaillais en usine, j’avais fait un essai à Avignon et à Nancy. Cela s’était bien passé. Je suis arrivé à Paris, j’ai fait 1 ou 2 essais et ils ont été contents. J’ai pu intégrer le centre de formation avec René Beaul et mon formateur à l’époque, qui est devenu mon adjoint par la suite, Monsieur Pierre Alonzo.
Vous n’avez jamais hésité ?
Non, parce que dans cette époque-là ce n’était pas comme aujourd’hui avec des scouts qui voyagent, circulent. Certains ne sont sans doute pas assez conscients du fait que dans ce métier il faut bien regarder tous les terrains, observer. Il ne faut pas se tromper. Enfin, on peut se tromper, mais le moins possible.
A l’époque, quand on était sensé accueilli dans un club, il te regardait, te passait au peigne fin, tu passais un examen et je l’ai bien passé. J’ai été accepté au centre de formation du PSG.
Vous pensiez tout de suite pouvoir vous imposer au PSG ?
Non. Quand on arrive au PSG, les jeunes jouaient en sélection de Paris, il y a des joueurs qui s’appelaient Mongelli, Perfetti, Cardetti, quand je les regardais je me disais « Luis, tu ne vas pas y arriver. Tu n’a pas le niveau, c’est trop fort ». Après, par le mental, en étant toujours disponible pour travailler au quotidien, j’ai sans doute réussi. Je me suis appuyé sur le travail. J’ai réussi à percer, mais ce n’était pas gagné d’avance.
Fernandez « Je me suis fixé des objectifs et je n’ai jamais lâché, en étant combatif. »
Il y a eu des moments difficiles mentalement ?
Non, parce qu’en quittant Lyon, je quitte l’usine, ma famille, mes amis. Je n’avais qu’une envie, c’était de réussir, pour eux, pour monter que je suis capable. Je voulais aussi réussir pour ma maman, alors que j’avais perdu mon papa à l’âge de 6 ans. Je voulais montrer que j’étais capable de surmonter ce moment-là en réussissant dans le football. Je me suis fixé des objectifs et je n’ai jamais lâché, en étant combatif. C’était ma personnalité.
Lors du premier match, c’est surtout de la joie ou de la pression ?
Quand on démarre, c’est quelque chose d’exceptionnel. C’est le vrai examen. Tu te retrouves au Parc des Princes, contre Nancy, il faut rentrer, jouer. Tu donnes le maximum pour être apprécié et qu’ils se disent « le petit jeune Fernandez, c’est pas mal. Il est bien rentré, il s’en est bien sorti ». Quand tu rentres avec les joueurs de l’époque, comme Dahleb ou Bianchi…Déjà en les voyant à l’entraînement, il n’y avait qu’une seule envie, c’était d’être à la hauteur, de ne pas les décevoir. Quand des entraîneurs te lancent, tu les respectes. J’ai eu l’occasion d’entrer sur le terrain, j’y suis allé à fond. Et j’ai réussi ce passage-là.
Fernandez « J’ai toujours considéré que c’étaient les plus grands, parce qu’ils m’ont aidé. »
Même si ça impressionne, cela aide aussi d’être avec les grands joueurs…
Oui, ça aide. Quand tu vois ce que tu as autour de toi, tu as envie d’être à la hauteur, de t’appliquer. Le travail durant la semaine à l’entraînement, c’est du sérieux, de s’appliquer. A l’époque, on devrait on porter le matériel. On le faisait sans aucun problème. C’était notre métier. On était dans un centre de formation. On était là pour apprendre, pour écouter, pour grandir, pour s’améliorer. On était entouré par les grands. J’ai toujours considéré que c’étaient les plus grands, parce qu’ils m’ont aidé. Ils m’ont donné cette confiance pour que je puisse réussir dans ce milieu.
Il y a des joueurs en particulier qui vous ont aidé ?
Pierre Alonzo restera toujours…Monsieur Beaul aussi quand j’arrive au centre de formation. Et il y a la génération avec moi. J’ai été bien accueilli. L’adaptation se fait plus facilement. Et quand tu arrives sur un terrain avec les Pilorget, les Dahleb, c’est quelque chose de magnifique. Ils m’ont toujours apporté un soutien. C’est formidable, pour réussir, cela passe par là. Mais de ton côté, tu dois rester bien, respectueux et écouter. C’est comme ça que j’ai pu franchir les paliers.
Fernandez « On n’a pas forcément assez de culture dans ce domaine en France. »
C’est la plus grande difficulté pour un jeune de garder la tête sur les épaules ?
Quand on joue les premiers matchs, ce n’est que le commencement. Quand tu as cette opportunité, avec un centre de formation, une équipe première, que tu es titulaire, que ce soit en U19 ou avec l’équipe première, il faut savoir la saisir. Il faut être humble, reste simple, accepter le travail et rester sérieux.
On me demandait si je voulais sortir, je disais toujours non. Il fallait être sérieux et bien se reposer pour repartir. Mais les jeunes aujourd’hui ont peut-être, avec une opportunité d’atteindre un but, été maladroits. Ils n’ont pas forcément compris qu’il fallait rester sérieux, appliqués.
Les jeunes sont plus impatients aujourd’hui ?
Ils sont beaucoup plus impatients, parce que c’est le milieu qui est comme ça. Le football a changé. Il y a l’entourage, tout ce que l’on dit. Il y a des changements. En France, il y a beaucoup de changements. Quand
je vois en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Angleterre, c’est une autre culture. On n’a pas forcément assez de culture dans ce domaine en France.
Fernandez « Il y a les vrais compliments, mais aussi les faux compliments. »
Vous aviez lu la presse après votre premier match ?
Non, je me suis attaché qu’aux coups de fils de la famille et des amis. Ils sont contents ! (sourire).
Mais ils ne sont pas forcément objectifs
Non, je sais, mais ils sont contents de me voir jouer (sourire). C’était au Parc des Princes, avec cette équipe. Ils se sont demandés « Comment il a fait Luis ? ». Et bah Luis il a bossé, il n’a rien dit, il a travaillé. Ils étaient contents. Les médias, quand tu commences à lire, ça peut plus te perturber qu’autre chose. Il ne faut pas chercher à lire que les compliments. Surtout pas. Il y a les vrais compliments, mais aussi les faux compliments. Je connais ce monde, je suis à beIN, mais il faut faire attention avec les médias.
Les critiques peuvent être dures à gérer aussi.
Il faut être très fort mentalement. Il faut être costaud et surtout fort dans ta tête. Pour moi, ce genre de périodes, je le voyais comme une source de motivation. Lorsque tu reçois une critique, tu dois l’utiliser pour te motiver et te donner l’envie de réussir au prochain match. Evidemment, la critique faut savoir l’accepter et être capable de te reprendre. Si t’es fort mentalement, ça te réussit, mais si ce n’est pas le cas, tu risques de tomber. Mais c’est plus difficile les critiques depuis l’arrivée des réseaux sociaux.
Fernandez « Je devais faire en sorte que le groupe soit solide car j’étais le capitaine de cette équipe. »
Vous pensiez déjà à gagner des titres ?
Le PSG a remporté son premier titre tant attendu en 1982 et cette Coupe de France face au grand Saint-Etienne au Parc des Princes. On enchaîne aussi avec la victoire en Coupe de France contre Nantes. Cette envie de vouloir gagner des titres doit faire partie des joueurs qui voudront jouer pour le PSG et surtout de jouer dans un stade aussi mythique que le Parc des Princes. Il ne faut pas oublier que le Parc des Princes a été le stade où jouait l’Equipe de France, là où se déroulait toutes les finales de Coupe (avant la naissance du Stade de France). Je pense aussi aux supporters quand ils ont envahi la pelouse après la victoire en 1982 qui ont été géniaux même avec les Stéphanois.
Ensuite le titre de champion de France en 1986 avec Gerard Houllier. C’était avec un groupe de joueurs qui arrivaient à répondre présent. Concernant ce titre avec Houllier, ce n’est pas que l’entraîneur qui fait la différence. Certes il fait des choix mais il est accompagné de son staff qui donne l’envie aux joueurs de jouer ensemble. Je devais faire en sorte que le groupe soit solide car j’étais le capitaine de cette équipe. Si l’ambiance est bonne dès le départ, tu peux tout réussir. Comme je l’ai dit, j’étais le capitaine de cette équipe et c’est l’une de mes plus grandes fiertés. Pour avoir ce brassard, il fallait être exemplaire, montrer que t’es présent pour les autres et savoir être professionnel donc montrer ce devoir d’exemplarité. Le rôle du capitaine est aussi d’aider l’entraîneur en échangeant sur le terrain et en aidant les coéquipiers à se
transcender.
Fernandez « Je ne voulais pas quitter Paris. »
Et pourquoi partez-vous à ce moment-là, à la fin de la saison ?
Parce que ça faisait 8 ans que j’étais au PSG. Je gagnais pratiquement 1000 euros par mois mais le plus important pour moi était de jouer car avant de signer au PSG, je travaillais en usine. Quand tu arrives au centre de formation, tu es heureux, tu es bien accueilli, tu fais tous les efforts. Tu traverses toutes les périodes en progressant. En équipe première, je ne demandais rien. Je voulais juste jouer, être sur le terrain, ne décevoir personne. J’ai franchi les paliers et 2 ans avant la fin de mon contrat, j’avais demandé une prolongation mais cela m’a été refusé. Je venais pourtant d’être Champion d’Europe avec l’Equipe de France. A la fin de mon contrat, en 1986, je suis élu meilleur joueur français, nous finissons 3èmes de la Coupe du Monde avec l’Equipe de France. Je ne voulais pas quitter Paris.
J’avais pourtant des propositions de clubs comme le FC Barcelone et l’Atlético Madrid à l’Etranger ou Monaco, Marseille et Bordeaux en France. Mon départ n’a pas été une trahison. J’aurais mérité un peu plus de respect et de gratitude. Mais j’ai toujours aimé ce grand Monsieur qu’était Francis Borelli. Il m’a d’ailleurs lancé dans ce rôle d’entraîneur par la suite. Je ne lui en ai pas voulu, il fallait savoir l’accepter. Pour Francis, j’étais comme un fils et il pensait que j’allais forcément resigner. Mais finalement non, cela ne s’est pas passé comme ça car cela faisait 8 ans que je me démenais pour le club et qu’il fallait revoir la situation selon moi. C’était une déception de partir, mais je n’ai jamais trahi le club. Je l’ai toujours respecté et je le porte en moi encore aujourd’hui.
N’avez-vous jamais eu de regrets de ne pas avoir signé au FC Barcelone par exemple ?
Non car j’étais bien à Paris. J’étais devenu amoureux de la ville, du PSG et du Parc des Princes. C’était mon jardin et je faisais toujours en sorte de bien l’arroser, de bien m’en occuper !