Autour du PSG
Bruno Roger-Petit «Cavani a donné une leçon de journalisme à Dugarry»
Edinson Cavani fait souvent l’objet de critique et hier soir sur Canal+ lors du match entre l’AS Monaco et le Paris Saint-Germain, Christophe Dugarry et Pierre Menes n’y sont pas allés de main morte avec l’attaquant parisien qui a pourtant inscrit un doublé dans cette partie remportée 3-0. Bruno-Roger Petit s’est d’ailleurs exprimé à ce sujet son blog.
«Drôle de dimanche pour Dugarry, et drôle de Monaco-PSG. Il est 21h45, ce dimanche, quand le consultant vedette de la chaine enterre le malheureux Cavani, au micro de Canal Plus. « Cavani n’a plus sa place face à la concurrence en interne » décrète le Champion du Monde 1998. Cavani, c’est fini. Trop nul. Trop frustre. Trop fragile. Trop faible.
On retrouve ensuite ce même Dugarry, à 23h10, en plein debriefing. « Ce Cavani-là est essentiel au PSG » déclare alors le même consultant vedette. Cavani, ce n’est que le début. Trop fort. Trop indispensable. Trop nécessaire. Trop irremplaçable.
Les téléspectateurs les plus attentifs notent sans attendre la légère distorsion entre les deux analyses, formulées à une heure d’intervalle. Que diable lui arrive-t-il à Dugarry, pour se contredire aussi vite et aussi fort en si peu de temps ? On s’inquiète. Le consultant le plus vif de France aurait-il perdu le Mojo du commentaire qui voit juste ?
En vérité, Dugarry a été victime de ce système qui parait fonctionner en boucle, sur Canal Plus, dès qu’il s’agit de football, du PSG, d’Ibrahimovic et de Cavani. A peine le match Monaco-PSG avait-il débuté qu’il nous narrait par le menu le storytelling de la rencontre. Ibrahimovic est au top, affuté par la perte de trois kilos, on va voir ce qu’on va voir. Ibra, c’est le Boss. Quant à Cavani, c’est encore et toujours le mauvais. Pourquoi ? Parce que c’est comme ça. Cavani est toujours le mauvais. Toujours. Et Ibra est le génie. Encore.
Et tout au long de la première mi-temps, Dugarry vend le storytelling traditionnel.Cavani est le seul à cadrer un tir qui met en difficulté Subasic ? C’est un nullard, car il n’a pas marqué. Il se prend les pieds sur une reprise, qu’il rate un peu gauchement ? C’est la preuve que c’est un nullard. En revanche, quand Lucas balance un pétard mouillé des vingt mètres qui passe à cinq mètres de la cage, « C’est le jeu, c’est ce qu’il faut faire ». Et quand Ibra place une tête trois mètres au-dessus de la cage, c’est un génie de la volonté, car « Il est là pour remettre les pendules à l’heure ».
Quand on décide d’écrire le match à l’avance, c’est bien plus plus simple. Il suffit juste d’adapter le commentaire… Dans le genre, Dugarry est imbattable. Et Pierre Ménès, en soutien, participe au jeu de massacre à la mi-temps. Cavani, cette daube. Cavani démission !
Seulement voilà, en seconde période, Cavani déjoue le scénario Dugarry-Ménès. Le voici qui marque un but de la tête. Somptueux le but. Ça la fiche mal pour le consulting. Dugarry peut encore s’en sortir en expliquant que « Bon, OK, il est pas mauvais de la tête, ça sauve la misère de son jeu au pied ». Mais hélas ! Voici que Cavani marque un nouveau but. Et du pied qui plus est. Et avec une aisance technique digne des plus grands buteurs.
Là, Dugarry n’a plus le choix. Il faut retourner sa veste. Mais sans se déjuger. Et c’est parti pour l’invention, en quatrième vitesse et en urgence de « la théorie des deux Cavani ». D’où cette expression « Ce Cavani-là » qui sert à légitimer tout ce que l’on a dit avant sur le Cavani nullard du scénario écrit à l’avance. Aux yeux de Dugarry (et des « Cavani haters ») il y a deux Cavani. Le Cavani nullard du storytelling, et ce « Cavani-là », qui marque des buts d’enfer. Mais on devine que le vrai Cavani, c’est le nullard « vendangeur » traqué par Dugarry et ses semblables, le « Cavani-là », lui, c’est l’accident. Le hasard. L’aléatoire.
A la fin, au-delà du ridicule qui frappe, d’un coup, Dugarry, quelle est la morale de l’histoire ? Elle est toute simple. En football comme ailleurs, il ne faut pas raconter au téléspectateur l’histoire que l’on a envie de lui raconter, mais celle qui correspond à la réalité. Faute de quoi, on s’expose au pilori médiatique. Le consultant de Canal devrait prendre exemple sur son compère Grégoire Margotton, fine mouche, qui évite toujours les jugements à l’emporte-pièce sur les uns ou les autres. Dans le fond,Cavani a donné à Dugarry une leçon d’humilité.
La prochaine fois, espérons pour lui que notre consultant attendra la fin du match avant de tirer des conclusions définitives. Parce que Cavani tout court ou « Cavani-là », les faits sont les faits : il n’y a qu’un seul Cavani, et hier, il a donné une leçon de journalisme à Dugarry. Une leçon qui a pour vertu de valoir pour tout le monde. En football comme ailleurs, il ne faut jamais écrire l’information à l’avance. »
L’analyse de BRP est très juste, et les commentateurs sont souvent très frustrants à écouter, surtout lorsqu’il s’agit du PSG. Tout va très vite, la moindre erreur pourrait envoyer un joueur sur le banc, comme Tallaron qui a demandé à Blanc s’il a pensé à sortir Cavani à la mi-temps. Mais comme l’a dit le coach parisien « ce n’est pas ça le football ».
Reste que le Matador a déçu lors de sa première mi-temps et s’est ensuite très bien rattrapé, même s’il aurait encore pu marquer un but. Et il faut le dire, il y a eu deux Cavani au PSG. Pour ce match, c’est un peu dur d’en aller à ce constat. Comme il l’a dit, il a manqué de réussite en première, et a été plus juste en seconde, encore aidé par un jeu de tête extraordinaire.
Il y a tout de même eu une période, l’année 2014 avec quelques moments de mieux, où Cavani était méconnaissable (pour diverses raisons). Et Blanc a appliqué son discours tenu à l’issu de ce Monaco – PSG, « le football c’est de la patience et du travail ». Et à ce niveau là, l’Uruguayen est très fort.
Son début de saison a été compliqué, ce qui est assez normal (avec la Copa America et ses problèmes personnels). Espérons que ce doublé lui a redonné pleinement confiance et que Dugarry n’aura plus à « retourner sa veste », lui qui n’est pas toujours très mesuré dans ses propos.