Autour du PSG
Interview Robbie Thomson (ex PSG TV) – « Thiago Motta m’avait dit : Mais, c’est quoi ces questions ?! »
Robbie Thomson, journaliste sportif australien, a une grande histoire avec le Paris Saint-Germain. Après un premier passage de plusieurs années comme traducteur du français vers l’anglais, il a été rappelé pour participer à PSG TV. Interviewer, présentateur et d’autres missions ont été remplies de 2013 à 2021 par ce passionné de football. Au cours d’une interview d’une heure, on a pu revenir avec lui sur son parcours et ce qu’il a vécu avec Paris. Pour le confort de la lecture, cet entretien sera publié en 3 parties. Voici la seconde (retrouvez la première ici), avec les consignes données par le PSG pour le choix et les thèmes des interviews, mais aussi la personnalité des joueurs et la façon dont ils vivent ces moments médiatiques. Sans oublier les excuses de Zlatan Ibrahimovic en 2016 après sa fameuse colère à Bordeaux « pays de merde ».
L’interview entière en vidéo :
Thomson « On était assez libre, mais certainement des fois on ne pouvait pas parler de certaines choses. »
Pour revenir à vôtre rôle au PSG, y avait des consignes du club pour éviter certains sujets ou vous étiez libres ?
On était assez libre, mais certainement des fois on ne pouvait pas parler de certaines choses. On ne peut pas parler de Véronique Rabiot avec Adrien, ni des bruits de l’extérieur sur un éventuel transfert. Mais le PSG est bien tombé sur moi, parce que ce n’est pas ce que je cherchais.
En tant que fan de foot qui aime profondément le sport, je ne cherchais pas toutes ces « merdes » à côté. Ce n’était pas le truc qui m’intéressait. En plus, en vivant cela de l’intérieur, on voit que la moitié des choses sont complètement fausses et juste pour vendre, pour embêter, pour faire cliquer les gens. Je voulais comprendre la tête d’un joueur, son jeu. Je voulais aider les vrais supporters, ceux qui aiment le foot, dans leur compréhension de ce qu’ils voient. Avec les entraîneurs, ou le club, en parlant avec Leonardo, Antero Henrique ou autre. C’était pour comprendre comment marche un club, un joueur, les Féminines…Je voulais faire passer cela aux supporters. Je ne cherchais pas à vendre des trucs dans L’Equipe (sourire).
Les joueurs parlent des rumeurs ou ils passent à côté ?
Je pense qu’ils vont dire non, mais c’est l’entourage qui parle. Et c’est toujours l’entourage qui vit le moins bien les choses.
Thomson « J’ai parlé avec des joueurs qui ne comprennent pas ce qui se dit. »
Les critiques par exemple ?
Oui. Les critiques sur le foot, c’est cliché mais ils acceptent tous. Je le vois aussi ici en Australie. Je commence avec les anciens joueurs. Quand tu leur donnes une consigne, ils acceptent, ils disent « okay ». C’est comme ça depuis qu’ils ont 13 ans. Ils écoutent l’entraîneur. Cela existe dans leur mentalité. Ils ne sont pas des gens qui disent « je connais mieux que toi », parce que dans ce cas ils ne jouent pas. C’est pareil à la télévision. Et ils veulent toujours progresser. Donc ils acceptent les critiques sur le jeu.
Mais les rumeurs infondées, les critiques sur l’hygiène de vie, comme Neymar mais pas seulement, comme Verratti, Icardi…On veut que ces gens soient humains, on veut connaître tout de leur vie. Mais d’un mec fait un barbecue, c’est « pourquoi il ne pense pas uniquement au foot ? ». Je pense que c’est fatiguant pour eux. J’ai parlé avec des joueurs qui ne comprennent pas ce qui se dit, ils disent « mais pourquoi ils disent que j’étais là-bas alors que je n’y étais pas ? ». Cela les embête, mais ça ne les empêche pas de jouer.
Pour avoir une interview, c’est le club qui vous donnait le nom ou c’était vous qui proposiez le nom ?
C’était de plus en plus compliqué, parce qu’il y a tellement de demandes de l’extérieur, de l’intérieur du club. De l’extérieur, tu peux imaginer…
Thomson « c’est plus compliqué depuis quelques années juste parce qu’il y a trop de demandes. »
J’en fais partie oui !
Exactement (rires). Eh bien, imagine qu’il y a tous les médias en France, tous ceux en Argentine, même en Norvège pour parler de Haaland, ou les médias japonais, chinois…Alors ce n’est pas facile. Pour PSG TV, on demande en disant que ce serait intéressant d’avoir Gini Wijnaldum par exemple. Mais il vient de parler au Liverpool Echo et à une chaîne aux Pays-Bas, donc ça ne sera pas lui. Et forcément, les meilleurs joueurs ont plus de demandes, donc c’est plus compliqué.
La plupart des joueurs font toujours le boulot et c’est très sympa. Angel, fait toujours le boulot. Marco fait beaucoup d’interviews aussi. Marqui aussi. Ce sont des mecs exceptionnels. Mais il y a des gens comme Thilo Kehrer, où parler souvent ce n’est pas dans leur caractère. Il parle 2-3 fois dans l’année et c’est bien.
Donc les joueurs peuvent refuser ?
Oui, ils peuvent mais c’est de plus en plus compliqué. A l’époque, quand on faisait This is Paris et des interviews, j’avais demandé à mon patron : « ce serait intéressant qu’on fasse ça, c’est son centième match, ou il a marqué 3 buts contre eux la dernière fois, ou il y a ça en ce moment, il a eu sa chance, etc… ». Souvent, on est organisés comme ça. Mais c’est plus compliqué depuis quelques années juste parce qu’il y a trop de demandes.
Thomson « C’est vrai que tu es un peu plus stressé quand tu as Zlatan en face de toi. »
Du coup, c’était bien vous qui demandiez ce genre de choses ? Si tel joueur prolongeait son contrat, vous alliez l’interviewer en priorité parce que c’était dans la logique des choses.
Oui, absolument. Après, il y avait de drôles d’histoires, comme les interviews qu’on était obligé de faire. Celle avec Serge Aurier à la suite de l’affaire Périscope, par exemple. Ou encore Zlatan Ibrahimovic avec son « pays de merde qui ne mérite pas le PSG ». Pour ce type d’interviews, ce sont des soirées spéciales.
Pour vous, aborder des sujets plus difficiles est-il plus excitant car cela vous sort de la routine ? On sait que sur PSG TV, vous avez plutôt l’habitude d’être positif.
Non, franchement, j’ai toujours pris beaucoup de plaisir à faire des interviews. Et je pense qu’Ambre Godillon, qui fait beaucoup d’interviews en ce moment, prend également beaucoup de plaisir. C’est quand même une chance exceptionnelle de parler avec ces joueurs.
Même les mecs qui étaient critiqués, comme David Luiz, c’est une très bonne interview à faire. Il a quand même vécu des choses exceptionnelles dans sa carrière, a une personnalité extravertie, est très sympathique. On a toujours passé de bons moments. C’est vrai que tu es un peu plus stressé quand tu as Zlatan en face de toi. Certains peuvent parfois présenter leurs excuses ; lui, ce n’est pas vraiment son truc ! (rires).
Thomson « pendant 1 mois, il ne voulait plus parler à PSG TV. »
Est-ce qu’il a fallu un peu le forcer à s’excuser, à ce moment-là ?
L’interview a duré pas mal, oui (rires) !
Il ne s’excusait pas assez ?
En fait, il ne voyait pas vraiment pourquoi il devait s’excuser. Il ne pensait pas qu’il devait montrer l’exemple, que sa pensée devrait d’être le modèle de tout le monde. Pour lui, c’est un joueur de football, qu’il a son caractère et doit dire les choses comme il les sent. Après, il a finalement dit oui pour les jeunes, comme quoi il ne fallait pas répéter ce genre de propos, que ce n’était pas bien pour l’image. Même si dans le fond, il avait raison car c’était, selon l’ensemble des Parisiens et moi, une erreur d’arbitrage flagrante si on se remémore l’action, avec une passe en retrait pour le goal sans qu’il y ait le coup-franc. Et Zlatan n’aimait pas perdre (rires).
Après cette interview et ses excuses, il y a quand même eu une petite guerre froide entre nous. Parce qu’il n’a pas apprécié de devoir s’excuser comme ça. De mon côté, j’essayais d’aller vers lui pour régler le problème. Mais pendant 1 mois, il ne voulait plus parler à PSG TV.
Il boudait ?
Oui, il était énervé. Mais c’était intéressant !
Thomson « Lavezzi est même déjà parti une fois ! »
Avez-vous eu affaire à d’autres joueurs énervés comme ça ou Zlatan reste le personnage le plus particulier ?
Oui, je pense à une interview avec Thiago Motta. Tu peux parler de football avec lui pendant des heures et des heures. Mais une fois, une partie de l’échange portait sur le club, sur les choses un peu en dehors du football. Mais il n’aime pas ça. Comme Ezequiel Lavezzi d’ailleurs.
Et dans ce cas-là, ils vous le disent directement ?
Oui, Thiago Motta m’avait dit : « Mais, c’est quoi ces questions ?! Mais pff, non, non, je ne réponds pas à ça » (rires). Et je crois que Lavezzi est même déjà parti une fois !
Et ne pouvez-vous pas les forcer à rester, en leur disant que c’est pour le club ?
Avec certains, non et avec d’autres, oui. On ne peut pas non plus les obliger à faire des choses comme ça car ce ne sont pas des animaux dans un cirque. Des fois, on leur demande de réaliser certaines choses pour le club, d’aller parler à telle personne, tel média, aller à tel endroit…alors que ce n’est pas leur truc. Ils se sentent parfois obligés de le faire et ce n’est pas facile pour eux. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de les forcer contre leur personnalité. Car à la fin, ton produit sera de toute façon pourri. Il est important de connaître ton sujet et le joueur que tu interroges.
Avec Kylian Mbappé, tu peux poser des questions plus poussées, plus dangereuses, un peu plus polémiques même au sein du club. Parce qu’il est tellement à l’aise, intelligent et confiant en lui qu’il n’y a pas de problème. J’ai fait une interview avec Mitchel Bakker, qui est maintenant parti en Allemagne. Et lui, il n’était pas à l’aise de parler ni en Anglais, ni en Français. On fait l’interview et une heure après avoir fini, il m’envoie un message pour me dire qu’il s’était mal exprimé, qu’il ne fallait pas utiliser telle ou telle partie de l’interview parce qu’il n’était pas satisfait de ce qu’il avait dit. Et donc, tu dis « Ok, très bien » mais il ne restait plus grand-chose à la fin. (rires)
Thomson « En réalité, les gens veulent toujours que tu parles mais lorsque tu dis quelque chose, ils te taillent car ils trouvent que tu parles trop. »
Je n’aime pas critiquer les joueurs mais dans ceux qui ne me paraissaient pas à l’aise, il y avait Moise Kean. Il employait très souvent des réponses courtes. Est-ce plus difficile pour vous ?
Oui, absolument. Et ma femme étant italienne, j’ai quelques notions d’Italien. Avec Moise, j’essayais donc de le faire parler dans cette langue, en me disant que ce serait mieux. Mais ce n’était pas le cas. En fait, c’est aussi culturel. Moise a grandi à la Juventus Turin, qui engendrait une autre forme de pression. Un peu comme le PSG, le Real Madrid ou le Bayern Munich.
Les Italiens sont fous, ils sont complètement férus de football et la pression est donc énorme. Un jeune joueur apprend très vite ce qu’est la pression dans un club comme la Juve, l’Inter Milan ou l’AC Milan. Donc, il apprend très vite à ne rien dire et se contente de l’essentiel. Aussi, il est jeune, il ne veut pas passer pour quelqu’un qui parle trop, qui dit tout ce qu’il pense.
On l’a vu avec des joueurs comme Thomas Meunier, qui parlait trop pour les goûts de beaucoup. Personnellement, j’appréciais beaucoup ce joueur. C’est vraiment quelqu’un de super sympathique et très intelligent. Il était très intéressant et tu pouvais parler de plein de choses avec lui.
Était-il finalement trop franc ?
En réalité, les gens veulent toujours que tu parles mais lorsque tu dis quelque chose, ils te taillent car ils trouvent que tu parles trop. Par exemple, Leandro Paredes est super sympathique et ne dit pas grand-chose dans une interview. Même Pablo Sarabia, qui est un mec adorable, ne parle pas beaucoup devant la caméra et les micros. Idem pour Ander Herrera ou encore Sergio Rico.
Alors qu’en dehors, tu peux parler de tout avec eux. Une fois devant le micro, ils disent surtout ce qu’il faut. Il y a eu Javier Pastore. Il ne voulait pas trop dire. Javier Pastore, qui a grandi en Argentine, n’en disait pas trop non plus. C’est une question culturelle.
Thomson « on ne demande pas aux gens dans la rue ou aux caissiers de tout connaître sur leurs vies. »
Est-ce un regret pour vous qu’on ne puisse pas pleinement connaitre les joueurs en dehors des micros ?
Oui je pense que c’est un peu dommage, mais on ne demande pas aux gens dans la rue ou aux caissiers de tout connaître sur leurs vies. Eux ils font leur travail et on ne va pas leur demander ce qu’ils vont faire après, et quelle est leur passion en dehors. Il faut accepter que les gens sont tous différents et moi je ne veux pas être ami avec tous.
Y a peut-être 3 joueurs avec qui on peut être amis mais c’est pareil dans la vraie vie. Les gens avec qui je travaillais sur PSG TV, on était une bonne équipe, mais il y en a peut-être que 3 ou 4 avec qui je suis vraiment ami. Mais c’est pareil pour tout le monde ! A l’école dans ta classe t’as 5 amis, et y en a 15 autres que tu connais, tu es sympa avec eux mais tu ne les invites pas à ton anniversaire (sourire).